La dictature de la position assise en classe

Pourquoi continue-t-on à obliger les élèves à rester assis et silencieux ?
Par Alexandre Roberge , le 21 avril 2014

https://cursus.edu/articles/27836/la-dictature-de-la-position-assise-en-classe#.XHwipsBKiUk

Les enfants sont reconnus pour être bruyants et sans cesse en mouvement. Logique puisqu’il s’agit pour eux de tout mettre en oeuvre, y compris et avant tout leur corps, pour découvrir le monde et le comprendre. Il y a donc une contradiction évidente entre l’attitude spontanée des petits et celle qui leur est imposée en classe, où on leur demande de rester assis et de se taire.

Une enseignante américaine et mère de deux petits garçons turbulents s’est d’ailleurs inquiétée de cette situation. Est-ce que ces deux gamins arriveraient à apprendre dans un environnement scolaire standard, compte tenu de leur besoin insatiable de bouger? Elle s’est ainsi intéressée à des établissements et professeurs qui proposent des façons différentes d’enseigner, prenant en compte le mouvement.

Ces enseignants qui n’ont pas peur du mouvement

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Robert Doisneau – La pendule (1957)

 

Il suffit de voir les photos sur la page de la Hess Academy pour comprendre que cette école privée ne fait pas les choses comme les autres. Fondée par une ancienne entraîneuse de gymnastique, cette école ne considère pas le mouvement comme une menace face à l’apprentissage. Bien au contraire, les enfants sont souvent entraînés à l’extérieur pour y faire de nombreuses activités. De plus, l’architecture de l’école semblable à une ruche facilite les activités physiques à l’intérieur également.

Pour la fondatrice Kristen Hess, il semble étrange que les adultes – qui même dans des tâches dites sédentaires peuvent se dégourdir les jambes, bouger, jouer avec un stylo ou un crayon tout en travaillant – exigent des élèves une position assise systématique, sauf pendant les rares plages de temps dédiées à l’exercice physique. D’autant plus que cela va à l’encontre des recommandations de différents rapports nous alertant sur le fait que nous sommes dans des sociétés où les petits (et grands) bougent de moins en moins.

Il n’y a pas que dans les écoles privées que des initiatives de la sorte se jouent. À l’International Community School de Géorgie, un enseignant de quatrième année, Drew Whitelegg, ne voit aucun problème à ce que les apprenants bougent durant les cours. Il enseigne même les mathématiques à l’aide d’un ballon de soccer qui représente la virgule des décimales et que se passeront des enfants tenant des cartons avec des chiffres. Il dira avoir imaginé cette activité en pensant à l’enfant qu’il était, plutôt agité.

Dans une autre école près d’Atlanta, l’enseignante Carlita Scaboro autorise le mouvement et le bruit. Pour elle, la posture traditionnelle des élèves créait, à son avis, davantage de problèmes de comportements qu’elle n’en résolvait. Au fil des années passées en classe, elle a noté que dans la position assise, les enfants décrochent et rêvassent, ne retenant que peu de choses du cours. En les plongeant dans « l’action », ils sont plus concentrés sur leur tâche.

Cette tendance, observée ici aux Etats-Unis, est encore plus prononcée en Europe du Nord. Dans notre dossier consacré à l’architecture des lieux d’apprentissage, nous avons longuement évoqué les aménagements imaginés par Rosan Bosch, qui privilégie le déplacement des élèves plutôt que la mobilité des cloisons ou des meubles…

Le risque de perte de contrôle

Évidemment, et c’est ce qui explique que la figure du groupe d’élèves assis et silencieux reste la norme, ce type d’enseignement demande des habiletés particulières de lapart de l’enseignant. Car tout peut vite déraper et devenir ingérable. Comme nous le disions plus tôt, des enseignants comme monsieur Whitelegg ou madame Scaboro ont posé des cadres très clairs pour ne pas perdre le contrôle, pour que les enfants comprennent quand il est temps de garder un peu de silence, les gestes permis, etc.

Chez les enseignants de la Hess Academy, il s’agit aussi de se connaître, de savoir jusqu’où on peut aller. Les enseignants qui préfèrent le calme intègrent quelques éléments d’activité physique durant les cours. Par exemple, ils interrompent leur cours « classique » à intervalles réguliers et demandent aux élèves de faire un geste donné (se toucher le nez, s’étirer les bras vers le ciel, suivre un rythme en tapant des mains, etc.).

La position assise et silencieuse n’est pas forcément la meilleure pour apprendre. On peut conjuguer mouvement et apprentissage sans que l’un ne nuise à l’autre. Il faut toutefois poser une structure claire avec les enfants pour qu’ils comprennent les limites de ce « laisser-aller ». Les expériences comme celles de la Géorgie pourraient se multiplier, mais pour cela, les enseignants doivent être encouragés à diversifier leurs modes de gestion du groupe. L’aménagement des classes doit aussi être repensé. Et ça, c’est loin d’être gagné…

Références :

Blatt-Gross, Carolina. « Why do we make students sit still in class? » CNN. Dernière mise à jour : 30 mars 2014. http://www.cnn.com/2014/03/30/living/no-sitting-still-movement-schools/.

Hess Academy. Consulté le 15 avril 2014. http://www.hessacademy.com/.

L’EXPRESS.fr. « Les Français ne bougent pas assez. » Dernière mise à jour : 12 septembre 2013. http://www.lexpress.fr/actualite/societe/sante/les-francais-ne-bougent-pas-assez_1281109.html.

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